Art de vivre italien

La diète italienne, chapitre 16 / Rebecca et Pierre, fondateurs de Formaggioteca Terroir

La Diète Italienne se devait d’aborder le sujet du fromage ! On compare souvent les produits français et italiens, se demandant qui tient la palme de la qualité…  Nous avons profité de l’ouverture d’un nouveau commerce spécialisé à Florence pour interroger Rebecca et Pierre, Italiens d’adoption et grands connaisseurs en produits de bouche. Le nom de cette boutique ? La Formaggioteca Terroir, un mix entre formaggeria (fromagerie), enoteca (cave à vins) et une volonté de mettre en valeur les produits du terroir, tout un programme.

Bonjour Rebecca et Pierre, pouvez-vous vous présenter, parler de votre parcours en Italie et nous parler de votre dernier projet ?

Rebecca : je suis Danoise installée depuis 25 ans en Italie. Au début des années 2000, j’ai lancé un Tour Operator dédié au vin, Grape Tours. Des itinéraires gastronomiques et œnologiques exclusifs en Toscane puis dans d’autres régions d’Italie. J’ai rencontré Pierre lors d’un de mes tours en 2009, c’était un client. 

Pierre : je suis Français d’origine aveyronnaise et paysanne, ingénieur agronome et œnologue de formation. En 2009, j’ai décidé de m’ouvrir l’esprit et de découvrir la Toscane en effectuant un voyage oenologique, c’est là que j’ai rencontré Rebecca et que notre histoire a commencé. En 2011, on s’est mariées et on a eu notre premier fils, né en Italie. La même année, parallèlement à Grape Tours en Toscane, on a aussi décidé d’ouvrir un Grape Tours en Provence. Quand le covid est arrivé, nos activités ont bien évidemment été mises à l’arrêt. C’est à ce moment-là que l’idée de Formaggioteca Terroir est née.

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet ? Quelle est sa philosophie ?

Pierre : C’est la suite logique et naturelle de nos expériences respectives. Rebecca est experte en produits de bouche italiens et, de mon côté, j’avais une carrière dans le vin en France, beaucoup d’amis dans le domaine, et puis une histoire familiale liée au fromage français : mon oncle était grossiste en fromages à Saint-Étienne et travaillait avec la maison Mons. On voulait ouvrir quelque chose d’original à Florence. Une boutique spécialisée dans les fromages et vins italiens et français, c’était l’union de nos histoires, Formaggioteca Terroir, c’est l’histoire de nos vies. Notre objectif : créer de la valeur autour des produits agricoles, mettre en avant leurs patrimoines culturels et gastronomiques. Prochainement, nous aimerions aller plus loin dans le projet, continuer de fusionner les cultures française et italienne et nous lancer dans l’affinage. L’idée est de prendre le meilleur de la culture et des racines de chacun et d’en montrer et augmenter la qualité, la valeur. Aussi, pour valoriser la production artisanale, il est nécessaire d’accepter de payer plus cher pour de la qualité. En achetant au plus bas, au final tout le monde se trouve pauvre, du producteur au consommateur. Nous travaillons à pratiquer le juste prix pour tout le monde.

Pour valoriser la production artisanale, il est nécessaire d’accepter de payer plus cher pour de la qualité. En achetant au plus bas, au final tout le monde se trouve pauvre, du producteur au consommateur

Quels types de fromage peut-on trouver sur vos étals ?

Rebecca : Pour les fromages italiens, nous avons choisi 2 références : Corzano e Paterno, d’excellents producteurs toscans de fromage à base de lait de brebis dont on vend toute la gamme et Andrea Magi, un affineur toscan également, alchimiste du fromage. Il crée des combinaisons d’exception, très surprenantes. Il ne choisit jamais un fromage pour sa provenance mais toujours pour sa qualité. D’ailleurs, bien souvent, il ne dit pas d’où vient le fromage !

Pierre : Pour les fromages français, nous travaillons avec la maison Mons Fromager Affineur, pour la qualité et l’histoire avec ma famille. Cela donne au total une cinquantaine de fromages italiens et une trentaine de fromages français dans nos étals. Pour choisir nos produits, on joue notamment sur les saisons, on a 4-5 nouveaux fromages par mois en fonction de la saisonnalité. Pour l’instant, nous avons des chèvres frais et des banons de Provence (un fromage au lait cru élevé avec de l’eau de vie et enveloppé dans 1 feuille de chêne). Après la saison estivale, à partir d’octobre, ce sont les fromages à raclette qui font leur entrée, et ainsi de suite.

 

Quelle est la différence entre un fromage de production artisanale et un fromage que l’on trouve en grande distribution ?

Rebecca : J’en vois 2 principales : la qualité du lait utilisé pour commencer. Dans la production artisanale, on utilise souvent du lait cru de grande qualité qu’on cherche à optimiser et à rendre protagoniste du fromage. Plus un producteur utilise du bon lait, plus son fromage sera bon pour la santé. Outre la qualité, je pense au fait qu’en grande distribution, on trouve des fromages plus standardisés, il doit toujours y avoir les mêmes produits toute l’année dans les rayons. Et dans la réalité des faits, on sait que ce n’est pas possible, on ne sait pas avoir le même lait toute l’année. Il y a une période pour le fromage de chèvre, une période pour le fromage de brebis, …  il faut pouvoir s’y adapter. Par exemple, chez Corzano e Paterno, il y a des fromages de printemps, d’autres d’été…

Pierre : On n’est pas dogmatiques, ce qui est organique et naturel n’est pas toujours excellent et ce qui est industriel n’est pas nécessairement horrible. Si un fromage est bio et naturel, c’est encore mieux mais on commence toujours par goûter. Pour nous, ce qui compte, c’est le goût et l’histoire derrière. Comme je le disais avant, il faut revenir à une échelle plus petite où on produit de la valeur et de la qualité et c’est par les petits producteurs qu’on y arrivera en premier.

 

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la saisonnalité justement ?

On le sait peu, mais avec les fromages, c’est comme pour les tomates et les fruits et légumes en général, il y a une saisonnalité qu’il est bon de respecter ! Par exemple, la production de lait de brebis est liée à l’agnelage, il faut des bébés pour avoir du lait. Pour le faire de façon naturelle, les meilleurs producteurs synchronisent l’introduction de mâles dans le troupeau pour provoquer les chaleurs. D’autres plus industriels vont pratiquer la synchronisation hormonale à l’aide d’éponges hormonales suivie d’une insémination. Quoiqu’il en soit, les brebis cessent d’être traites entre août et fin janvier habituellement donc pas de fromages frais durant cette période … sauf pour des productions industrielles où on met du côté du lait en stockage voire on utilise la synchronisation hormonale pour avoir 2 troupeaux: un pour l’hiver un pour l’été. C’est la même idée pour les chèvres. Pour les vaches d’Alpage, pour prendre un autre exemple, le meilleur lait est produit pendant l’été d’où la saison des Monts d’Or, du Comté Grand Alpage, des Cantal au lait de Salers.

Dans la production artisanale, on utilise souvent du lait cru de grande qualité qu’on cherche à optimiser et à rendre protagoniste du fromage. Plus un producteur utilise du bon lait, plus son fromage sera bon pour la santé

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la saisonnalité justement ?

On le sait peu, mais avec les fromages, c’est comme pour les tomates et les fruits et légumes en général, il y a une saisonnalité qu’il est bon de respecter ! Par exemple, la production de lait de brebis est liée à l’agnelage, il faut des bébés pour avoir du lait. Pour le faire de façon naturelle, les meilleurs producteurs synchronisent l’introduction de mâles dans le troupeau pour provoquer les chaleurs. D’autres plus industriels vont pratiquer la synchronisation hormonale à l’aide d’éponges hormonales suivie d’une insémination. Quoiqu’il en soit, les brebis cessent d’être traites entre août et fin janvier habituellement donc pas de fromages frais durant cette période … sauf pour des productions industrielles où on met du côté du lait en stockage voire on utilise la synchronisation hormonale pour avoir 2 troupeaux: un pour l’hiver un pour l’été. C’est la même idée pour les chèvres. Pour les vaches d’Alpage, pour prendre un autre exemple, le meilleur lait est produit pendant l’été d’où la saison des Monts d’Or, du Comté Grand Alpage, des Cantal au lait de Salers.

On le sait peu, mais avec les fromages, c’est comme pour les tomates et les fruits et légumes en général, il y a une saisonnalité qu’il est bon de respecter !

Qui sont vos clients ?

Pierre : Pour l’instant, ce sont essentiellement des Italiens, des locaux, à 90% dirions-nous. Nous imaginons que c’est normal vu que nous avons ouvert pendant la pandémie. Certains d’entre eux sont des connaisseurs heureux de trouver nos produits, d’autres ne s’y connaissent pas mais sont désireux de découvrir. Quelques Français aussi, mais nous avons actuellement plus de clients italiens.

 

Quelle est la réaction de cette clientèle italienne face aux fromages français que vous proposez ?

Rebecca : Elle est extrêmement positive. Nous sommes ravis de cet intérêt de leur part. Ils sont curieux, souvent étonnés et très contents. Quand les Italiens arrivent ici, la première chose qu’ils disent, c’est “che bello, peccato che non lo posso mangiare”, comme c’est beau, c’est dommage que je ne puisse pas le manger. Pourquoi ? Car ils ont cette idée, qui vient des médecins de famille, que le fromage est mauvais pour le cholestérol. Cela peut évidemment être le cas avec un fromage de basse qualité, mais avec un fromage de qualité, bien travaillé et fait avec un bon lait, on en retire même plutôt des choses bonnes pour la santé ! Quand nos clients italiens ont intégré ça, ils veulent essayer tous nos fromages français.

 

Quel(s) fromage(s) italien(s) méconnu(s) conseillez-vous volontiers à votre clientèle française ?

Rebecca : Généralement, les clients français demandent un plateau complet, on leur prépare alors un mix entre les fromage de Corzano e Paterno (car ils sont locaux et donnent un bel aperçu du travail du lait de brebis en Toscane) et les fromages plus particuliers sélectionnés par Andrea Magi, par exemple un fromage affiné dans le vin santo (un vin toscan de dessert) et les cantucci (biscuits typiques toscans à l’amande). 

 

Y a-t-il des différences notoires entre les fromages français et les italiens ? Au niveau goût bien sûr mais aussi méthode de fabrication !

 

Pierre : Oui, évidemment, je dirais qu’on a 2 cultures différentes avec des visions différentes. Le fromage, pour les Italiens, c’est quasi toujours un ingrédient, pas un produit en lui-même. Au niveau de la méthode de fabrication, en Italie, tu amènes de la qualité ou tu vas aromatiser le fromage pendant le vieillissement. En France, on amène le fromage à maturité optimale, il n’y a pas vraiment de tradition de vieillissement et d’affinage. Le fromage vit sa vie pour arriver à un certain point. En Italie, comme en Espagne d’ailleurs, on élève le fromage, on l’améliore. C’est intéressant de comprendre ces différentes visions.

 

On parle énormément d’intolérance au lactose ces dernières années, comment aiguillez-vous une clientèle désireuse de modérer sa consommation de lactose sans pour autant tirer un trait sur le fromage ?

Rebecca : Nous leur suggérons d’éviter les fromages très jeunes, car plus un fromage est vieilli, moins il est chargé en lactose. On conseille de se diriger vers des fromages à pâte dure comme le parmesan, le pecorino, le comté ou le beaufort pour ne citer qu’eux. Et puis les fromages de chèvre et de brebis sont également beaucoup mieux tolérés car ils renferment peu de lactose. En réalité, chez nous, la majorité des fromages convient aux intolérants au lactose !

Plus un fromage est vieilli, moins il est chargé en lactose. On conseille généralement de se diriger vers des fromages à pâte dure comme le parmesan, le pecorino, le comté ou le beaufort pour ne citer qu’eux. Et puis les fromages de chèvre et de brebis sont également beaucoup mieux tolérés.

Pour vous, c’est quoi la diète italienne?

En choeur : Pour nous cela se résume à une chose, les bons produits. On préfère ne pas manger que de manger des produits mauvais pour la santé.

 

Justement, quels sont ses produits essentiels ?

En choeur : L’huile d’olive, le fromage, la charcuterie et le vin.

 

Et les légumes là-dedans ?

Rebecca : “Le verdure fanno colore”, les légumes font la couleur (rires). Évidemment, tout l’art réside dans la juste balance, l’équilibre et puis la diversité et la saisonnalité !

Est-ce que votre manière de manger a évolué suite à votre arrivée en Italie ? 

Rebecca : De mon côté, je dirai que j’ai appris à bien manger et à cuisiner en Italie ! 

Pierre : En ce qui me concerne, j’ai gardé mes traditions françaises, mais en incluant les bons produits italiens. 

 

On dirait que toutes les excuses sont bonnes pour manger du fromage ! Quelle place a-t-il dans votre alimentation ?

Pierre : On en mange un peu tous les jours. On mange plus de fromage que de pasta !

 

Pour terminer, pouvez-vous nous donner quelques accords fromages-vins pour inspirer nos lecteurs ?

Rebecca : Je pense à un accord original de 2 produits toscans : le “Blu” (fromage de brebis bleu) de chez Corzano e Paterno avec le Passito (un vin liquoreux) de leur production. 

Pierre : Nous essayons toujours d’accorder le fromage et le vin d’un même territoire car il y a une histoire, une nature qui les lient. En France, par exemple, le fromage se déguste avec du vin blanc car avec un vin rouge, c’est délicat : plus il y a de tanin, plus l’accord avec le fromage va devenir sec. Mais parfois, il existe de bonnes surprises dans des accords pas communs. Un rouge italien qui fonctionne bien avec les fromages, par exemple, c’est un Sangiovese léger. Nous pourrions aussi imaginer un Sauterne avec un plateau de fromages herbeux italo-français.

Grazie mille Rebecca et Pierre !

 

Retrouvez toutes les infos sur la Formaggioteca Terroir ICI

Si vous êtes de passage à Florence, n’hésitez pas à aller déguster un plateau de fromages (ils ont également des charcuteries délicieuses !) à l’heure de l’apéro, nous le recommandons chaudement ! Formaggioteca Terroir est situé dans le super quartier de San Niccolò

Découvrez les voyages oeno-gastronomiques de Rebecca et Pierre en Italie et en France ICI

 

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Par Emilie Nahon

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