Art de vivre italien

Dario Cecchini, la cuisine de la mémoire

Il y a peu, j’ai été invitée à la séance académique de rentrée de la célèbre école de cuisine florentine “Cordon Bleu” (où a notamment été formée Alessandra Mariotti, notre cheffe holistique italienne). Pour l’occasion, l’école organisait une conférence sur le thème La cucina del ricordo : il legame tra cucina, prodotto, territorio e famiglia, “La cuisine de la mémoire : le lien entre cuisine, produit, territoire et famille”. Des notions qui nous intéressent beaucoup chez Ali di Firenze, et encore plus lorsque l’invité d’honneur est Dario Cecchini, le boucher -philosophe et poète- le plus célèbre d’Italie !

Dario Cecchini est un personnage. Né en 1955 dans la cuisine de sa maison dans le petit village de Panzano, il passe son enfance dans la boucherie familiale qui se trouve en face de chez lui et où travaillent ses 2 parents. Dario est attaché à son village, sa communauté, sa campagne, sa famille. Les Cecchini habitent à Panzano depuis 700 ans. Dans la famille, on est bouchers de père en fils depuis 8 générations. Pourtant, quand il est en âge de faire des études, il choisit celles de vétérinaire, mais pour une bonne raison : il souhaite avoir un rôle utile dans sa communauté paysanne. Qui mieux qu’1 vétérinaire peut venir en aide aux agriculteurs ? L’histoire de sa famille en décidera finalement autrement et Dario reprend finalement la boucherie Cecchini à son tour.

“Credo nel potere dei piccoli villaggi e delle piccole comunità. Ho sempre voluto stare a Panzano e voglio restarci. La comunità di Panzano ha aiutato la mia famiglia a vivere per generazioni.”

Dario croit au pouvoir des petits villages et des petites communautés. Il a toujours voulu rester à Panzano et il veut y rester. La communauté de Panzano a aidé sa famille à vivre pendant des générations, il était donc important pour lui de participer à la vie de cette communauté.

Convivo 

Verbe latin

Traduction italienne : convivere, vivere insieme

Traduction française : vivre ensemble

Pour Dario, la qualité de la vie est faite de petites choses et notamment du partage, au sein de la famille, mais aussi de la communauté. Il est par exemple essentiel de maintenir les petits commerces dans un village, pour conserver une structure sociale solide. Il parle aussi du rôle de l’artisan, qui a pour objectif de témoigner d’un savoir-faire et de faire en sorte que ce savoir-faire ne disparaisse pas. L’idée est de laisser quelque chose, une trace, pour rendre le monde un peu meilleur.

Selon lui, il est nécessaire de conserver une vision ample de ce qu’est l’alimentation, et pas de se cantonner à suivre ce qu’on voit dans les médias, les choses à la mode. Dans une école surtout (et là il s’adresse aux enseignements et aux étudiants de Cordon Bleu), il est important de transmettre les traditions, d’apprendre aux nouvelles générations les bases essentielles. Elles doivent être vues comme des connaissances premières avant d’apprendre la technique et puis l’art !

“Artusi parla del brodo come del prodotto numero uno, il più importante di tutti, e ha ragione »

Il explique que Pellegrino Artusi, critique gastronomique auteur de l’ouvrage de référence italien La Scienza in cucina e l’Arte di mangiar bene,  “La science en cuisine et l’art de bien manger” (une bible pour tous les Italiens amoureux du bien manger !), parle du bouillon comme du produit numéro un, le plus important de tous. Le bouillon explique Dario, quand il était petit, était préparé 1 fois par semaine, avec beaucoup de légumes et un peu de viande -des restes-, et servait toute la semaine à la préparation des repas. Il y a 100 ans, le bouillon était considéré comme le meilleur des médicaments !

Ce style de vie est à prendre en exemple, il est important de le transmettre pour le maintenir vivant. Ces souvenirs d’enfance ont façonné qui il est et ses choix. Il poursuit en disant que quand il était petit, dans sa famille, on mangeait inévitablement local et de saison. Aujourd’hui, face au choix énorme et à l’importation, on a tendance à perdre de vue ces racines, ces bases. Nous avons de la chance de pouvoir choisir aujourd’hui, mais on peut décider de le faire de manière raisonnée.

“Carnivoro responsabile !”

Dans sa famille de bouchers, il explique qu’il a été élevé sans jamais manger 1 bistecca à la maison. Ils mangeaient toutes les autres parties de l’animal, les jambes, la tête, la queue,… Il a reçu une éducation incroyable sur l’alimentation, sur le respect aussi du sacrifice de l’animal. Dans sa famille, on élève certes des animaux destinés à être sacrifiés pour être mangés, mais on en prend soin et on respecte chaque partie de la bête qui a été sacrifiée : on les mange toutes !

Quand on lui parle d’un monde de plus en plus végétarien voire vegan, Dario répond d’ailleurs en présentant la figure de carnivore responsable et fait référence à nouveau à son enfance : le samedi, les familles venaient à la boucherie chercher le bollito pour le déjeuner du dimanche car on ne mangeait la viande que ce jour de la semaine, c’était spécial.

Selon lui, la boucherie est à imaginer comme un art, l’art de choisir le bon endroit où vont vivre ses bêtes, l’art de savoir bien les élever, l’art de savoir honorer le sacrifice,… Dario a par exemple choisi d’élever des vaches en liberté dans le parc national des Pyrénées en Catalogne, à plus de mille mètres d’altitude. Une famille fantastique avec qui il travaille depuis 30 ans prend soin d’elles. Le concept de “kilomètre zéro » a selon lui parfois ses limites, “les animaux doivent vivre là où c’est le mieux pour eux et pas forcément au plus proche de l’humain”. Pour lui, c’est dans cette montagne espagnole que ses vaches vivent leur plus belle vie.

Il terminera son intervention sur 2 citations, l’une de Dante et l’autre du Petit Prince de Saint-Exupéry :

L’amor che move il sole e l’altre stelle, L’amour qui meut le soleil et les autres étoiles

Extrait de La Divine Comédie de Dante Alighieri (Dernier vers du Paradis )

 

 

On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux.

Extrait du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry 

 

J’espère que vous aurez ressenti cette volonté folle qu’à Dario de maintenir les traditions et le lien entre les humains d’une même communauté !

 

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A presto,

Emilie

 

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Par Emilie Nahon

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