Le journal de bord d'Ali di Firenze

Quarantaine #5 La fugue immobile

D’une certaine manière pendant le confinement, je vis chaque jour la répétition de mon pire cauchemar : je ne peux pas travailler comme je le souhaite, les enfants sont hyper demandeurs, je ne peux pas rentrer en France voir mes proches, nous sommes enfermés à 4 sans aucune possibilité d’extraction pour souffler, tous mes projets sont en stand-by, je n’ai plus d’air pour respirer. ANGOISSE TOTALE.

Comment est-il donc possible que très souvent, j’associe la période que nous vivons – enfermement à 4 – à ce qui pourrait être son opposé, une fugue seule en toute liberté ? 

Dès le départ de la quarantaine, j’ai regardé la situation comme un cadre inédit où je ne pouvais pas adopter mes réflexes habituels. Je n’avais pas envie de nervosité excessive, de crise de larmes quand je ne contrôle plus les choses (ouioui), de fatigue envers les enfants qui n’y sont pour rien. J’ai décidé de bien vivre tout cela autant que possible et je peux même dire que d’une certaine façon j’en profite à fond en découvrant une nouvelle façon de vivre avec ma famille, avec ma maison mais aussi avec mon environnement. Quelques clés de réflexion personnelle qui n’engagent que moi. 

Ligne d’horizon

J’ai un souvenir merveilleux de ma dernière fugue, une retraite de yoga à Positano dans un eco-lodge dans la montagne. La révélation ? Pratiquer 2 fois par jour devant la mer, sentir le vent, les herbes, écouter le son des vagues et des ânes. En quarantaine, je pratique sur Zoom 3 fois par semaine avec ma prof habituelle et c’est la première fois de ma vie que je suis assidue à un cours en ligne, que je partage en plus avec mon groupe adoré. Dans ma chambre, j’ai 2 grandes fenêtres qui donnent sur les arbres, et sur un panorama de campagne. J’ai réussi à retrouver ces sensations de Positano en fixant un cyprès pour faire l’arbre, en balayant le ciel du regard pour arriver en Humble Warrior. Une respiration folle, un sentiment de paix intérieure que je garde précieusement à l’intérieur de moi quand le quotidien de quarantaine reprend le dessus. 

Au rythme de la nature 

Tout le monde n’a pas un jardin, j’en suis bien consciente, et d’une certaine manière, pour être digne de ce cadeau, je suis bien contente d’avoir changé d’attitude pour en profiter à 1000%. Mon jardin est devenu un terrain de jeu incroyable, un lieu où l’on cherche des escargots, où l’on cueille des petits bouquets de fleurs fraîches, où l’on respire fort en regardant le soleil se coucher. Mais avant tout, j’ai vu le printemps éclore, jour après jour de manière extraordinaire. Un matin, un nouveau massif blanc qui n’était pas là la veille au soir nous émerveille en famille, un autre matin, une rose qui éclot, la première de la saison, allant de jaune à rose. Je ne peux que me rouler dans ce cadeau et en saisir chaque nuance.  

Mes dix doigts 

Je le dis tout le temps durant les fugues, retrouver une certaine manualité (bien souvent oubliée) permet de se rapprocher de soi, de retrouver des réflexes qui nous viennent de l’enfance, des habitudes et préférences enfouies. C’est aussi un excellent moyen d’éteindre un cerveau qui gamberge beaucoup trop. Durant les fugues, on met cela en application grâce à des ateliers de calligraphie, de sculpture… En quarantaine, pour occuper mes enfants, je me suis amusée à anticiper chaque jour une activité manuelle. Bianca étant Directrice Artistique dans l’âme, cette petite personne s’est contentée de me donner des ordres pour que je fasse l’activité à sa place, sous sa direction. J’ai donc dessiné, colorié, coupé, collé, monté des tonnes de mille-pattes, fusées spatiales, ordinateurs en carton, carte de restaurant en oubliant tout le reste. Et puis un jour, j’ai sorti la peinture et je me suis posée sur la table de la cuisine à côté de mon fils pour tenter de peindre le paysage somptueux que j’ai devant ma fenêtre. Un vrai moment de grâce piloté par le pinceau et l’amour des couleurs. 

Être guidée par le plaisir 

En fugue, le plaisir est une boussole. Tout doit nous faire plaisir, rien ne doit être imposé ou pour quelqu’un d’autre. Durant le confinement, j’ai cherché à faire pareil quand je le pouvais, même si il s’agissait d’un petit quart d’heure de trêve entre 2 activités pour les enfants. J’ai commencé par ouvrir mes livres de peinture préférés pour me plonger dans les couleurs de Dufy ou Chagall, j’ai lu au soleil recroquevillée dans un fauteuil dont les coussins avaient pris la forme de mon corps, j’ai joué avec mon nouvel appareil photo. Même philosophie sur les réseaux sociaux, ne faire que des choses qui me fassent plaisir. Faire des lives improvisés avec tendre époux, chanter, s’habiller bien pour me faire plaisir, boire des spritz en racontant n’importe quoi, interviewer des personnes inspirantes juste parce que moi avant tout, j’avais envie de leur parler. Le plaisir comme une véritable rose des vents. 

Faire des bulles avec mon cerveau

Fugue et maternité sont intrinsèquement liées me concernant. À chaque fugue, je vivais en parallèle des étapes clé dans mon rôle naissant de mère, j’avais besoin d’un temps à part – dans une bulle que je maitrisais de A à Z – pour réfléchir mais aussi pour laisser les pensées me traverser naturellement. Les idées ont besoin de temps, de calme pour parfois faire leur chemin jusqu’à nous. Or voilà, en quarantaine, normalement la seule chose qui me traverse, c’est le lego que je suis à deux doigts de me prendre en pleine figure. Mais je crois que l’addition des autres éléments (le plaisir, une certaine lenteur sans se forcer, la nature), m’ont amené – chez moi- quelque part, ailleurs, un espace où je me suis sentie suffisamment protégée pour laisser les pensées remonter à la surface comme des bulles. Je me suis posée de nouvelles questions, j’ai eu une réponse à une vieille interrogation, j’ai eu des idées sans les chercher.

Nous ne sommes pas tous égaux en quarantaine, mais il y a bien quelque chose que nous avons tous en commun, c’est le repli à l’intérieur de soi, cette maison personnelle faite de pensées, d’envies, de courage et d’énergie pour aller tirer du positif partout. Comme me l’a écrit une lectrice, Nathalie, “Comment peut-on avoir fugué de chez soi ? Un voyage immobile”. Je vous souhaite bien des voyages immobiles avant de pouvoir voyager librement partout de nouveau. 

 

Baci,

Alice

Par Ali

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