Je suis toujours guillerette lorsque j’arrive à Venise à bord du train couchette. L’entrée en scène dans cette cité fantasmagorique me rend légère. C’est comme si l’on glissait sur la lagune et que l’on pénétrait, subito, dans un tableau de Canaletto. Quelle extase!
En général, je me déleste de mes valises à la consigne de la gare. Ensuite, je commence ma pérégrination. Destination ? Le caffè del Doge. Établi dans une petite calle près du pont du Rialto, à San Polo, ce célèbre torréfacteur est plébiscité par les Vénitiens du quartier et j’aime beaucoup l’idée de rendre hommage aux différentes variétés de cafés dans la ville où, justement, il a été importé en premier en Europe.
Je sillonne ensuite les sestieri en direction de mon musée favori, la Casa dei Tre Oci (littéralement « la maison des trois yeux ») située sur l’île de la Giudecca. Récemment restauré, ce cénacle culturel confidentiel est désormais consacré à la photographie. Au premier étage, j’écarquille grand les yeux à la vue du Palais des Doges qui se laisse admirer au travers des fenêtres si singulières dont la façade est ornée.
Je reprends ma route, sans carte. Je procède par intuition. C’est comme cela que j’ai appris cette ville que je sillonne depuis mon enfance.
Je reprends ma route, sans carte. Je procède ainsi, par intuition, par touches, par imprégnation. C’est comme cela que j’ai appris cette ville que je sillonne depuis mon enfance.
Comme une incantation, mes pas me conduisent vers le vibrant marché aux poissons qui jouxte le pont du Rialto. Un concentré de « vénitianité ». Je m’adonne ici à l’un des fondamentaux de l’art de vivre dans le Veneto : l’aperitivo. Le rituel est immuable : après avoir converser avec les commerçants et les passants, je m’attable au bacaro Do Spade. Je commande une ombra, ce fameux petit verre de vin maison, picore quelques cicchetti, reprend un Spritz et me voilà repartie, ravie.
L’aperitivo, un des fondamentaux de l’art de vivre dans le Veneto.
Je profite d’être dans le quartier pour commettre un péché de shopping en la boutique Piedàterre. Il y a une telle profusion de furlane, ces fameux souliers de gondoliers en velours dont les semelles sont confectionnées en pneu, qu’il est difficile de trouver couleur à son pied !
Je me rends ensuite à la bibliothèque de la Fondation Querini Stampalia. C’est le repaire de mes amis autochtones qui viennent mener ici leurs sempiternelles recherches de thèse et adresser des œillades langoureuses à leurs voisines studieuses. Ambiance carnavalesque! Je m’ébaudis un instant devant le petit jardin attenant de Carlo Scarpa puis rafle la joyeuse bande. Nous partons en vadrouille vers les îles! San Lazzaro degli Armeni, Sant’Erasmo, Burano, Torcello, San Francesco del Deserto, Chioggia… La Lagune est notre terrain de jeu.
Cette liberté de voir Venise autrement, de s’en éloigner avec une volonté de perdition, n’est pas le seul apanage des locaux qui ont un bateau. Il suffit de naviguer à bord d’un kayak ou d’un vaporetto pour goûter à cet « art de la dérive », véritable paradigme de la vie ici.
La Lagune est notre terrain de jeu.
Je savoure ces moments de bonne humeur, de découverte, de contemplation éthérée, de songe insouciant dans la lagune au point d’y sacrifier mon après-midi entier. Tant pis pour les visites culturelles, les églises et les boutiques ! Seule la tentation irrépressible d’une gourmandise me fait revenir à Venise. Ce sera une glace gianduiotto Da Nico ou pourquoi pas un thé à la Serra dei Giardini, un havre de quiétude et de verdure. A quelques enjambées, je fais une halte nécessaire chez Vino e Vini pour remplir mes bouteilles en plastique d’un très bon vin de la région. Il s’agit là d’une tradition locale que je trouve géniale.
Me voici prête pour l’apéro sur l’eau. Je rejoins donc mon embarcation pour jouir d’un magnifique coucher de soleil. En été, à l’occasion de la Festa del Redentore, le plaisir est décuplé car c’est Tout-Venise qui trinque en admirant les feux d’artifices dans une ambiance très festive.
Cette balade iodée m’a ouvert l’appétit. Avant de déchoir en faisant la tournée des bars, je m’accorde une orgie de poissons au Paradiso Perduto. Fleuves de vins, petits concerts de jazz, esprit bohème et âme conviviale, tel est le ton de ce restaurant si attachant où l’on retrouve une foule de jeunes vénitiens discutant avec passion de l’avenir maritime de Venise autour du vénéré Maurizio Adamo, le patron.
Je m’arrête là mais sachez que les plus belles soirées et les plus belles journées à Venise s’improvisent, alors à vous de jouer!
Adresses :
Tags: Amelie Panigai, Caffè del Doge, Casa dei Tre Oci, Fondazione Querini Stampalia, Paradiso Perduto, Piedàterre
Amélie Panigai est franco-italienne et a l'audace de se balader à Venise sans carte. Elle collabore avec Ali depuis novembre 2015 en proposant ses idées de visite et shopping dans la Lagune. Le Veneto n'ayant aucun secret pour elle, elle vous embarque également dans le Frioul ou à Trévise.
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