Dolce Vita

Quand la joie s’en va

Nous y voilà. J’ai enfin un tout petit peu de recul sur la dernière année passée pour avoir envie d’écrire. Je sors la tête de l’eau après une année sombre. Beaucoup de tristesse, beaucoup de colère, beaucoup d’émotions mélangées dans ma machine à laver intérieure.

En janvier dernier, je fondais en larme en direct pour donner “mon mot de l’année”. Pour celles et ceux qui me suivent depuis un moment, vous savez que ce n’est pas tout à fait l’esprit de la maison que de venir déposer des choses “à chaud” sur les réseaux sociaux. Je déteste ça.

Mais on ne contrôle pas toujours tout. Lectures féministes qui ont ravivé un traumatisme ancien non réglé, accumulation d’émotions non canalisées suite à une situation familiale compliquée depuis 5 ans, densité des échanges et histoires en fugue, puis cerise sur le tiramisu, un email reçu en décembre dernier qui m’a totalement traumatisée. Un électrochoc à la lecture qui a embrasé mon mental. 

Moralité, je n’ai pas démarré l’année 2023 sous les meilleurs auspices, et dieu merci, Andrea m’a poussée à trouver un psychologue qui a été plus qu’une béquille pour moi cette année. 

Les choses prennent du temps, surtout les soucis de l’esprit ; la grande pelote des angoisses, des raisons et des manifestations devant être démêlées doucement pour ne pas compliquer encore plus une affaire qui l’est déjà à la base. Avec mon psy, chaque séance est bénéfique car je lâche (je pleure non stop à chaque fois) mais on avance très doucement pour trouver le caillou dans la chaussure.

En juin, c’est la catastrophe. Je décède de stress de manière totalement irrationnelle. OUI, on a eu beaucoup de choses à faire, mais ce sont des projets trop chouettes et pas plus compliqués que ce que nous avons l’habitude de traiter. Et pourtant, je patauge dans mon malaise à moi. 

Crise de stress et de larmes, eczéma, sommeil qui ne fonctionne plus, tachycardie, cou bloqué. Je vous épargne les autres manifestations physiques qui ne jouent pas dans la cour du glamour. 

À ce moment-là, je suis pourtant persuadée que je suis surtout “fatiguée”, que j’en ai trop sur la to-do-list. Je décide donc d’allonger les vacances en partant 7 semaines de chez moi. 

Erreur de jugement de ma part, quand on est fatigué, on s’ARRÊTE de travailler, on ne publie pas comme une timbrée sur les réseaux sociaux (tout ça pour acquérir 14 followers sur tout l’été) et on ne vérifie pas ses emails chaque 3 jours, y compris au Club Med au Portugal un 15 août.

Comme coupure nette pour récupérer en profondeur, on a vu mieux. 

Pourtant fin août, j’ai  la sensation d’avoir passé de bonnes vacances, après beaucoup de séjours compliqués (annulation, covid, bras cassé…). J’ai vraiment pensé que le problème était magiquement réglé à coup de siestes à répétition sur un transat à rayures et de câlins en famille. 

La veille de ma “rentrée” de septembre, je vomis toute la nuit. 

Pourtant j’ai mangé la même chose que ma famille qui se porte comme un charme. Je mets un pied à Florence et au bureau, et c’est reparti immédiatement comme en juin, comme si le giga break n’avait pas compté une seule seconde.

Sauf que là, la spirale du mal-être prend une tournure beaucoup moins mignonne.

 Je n’ai plus la force de travailler, j’ai des idées noires, je suis épuisée et me réveille 10 fois par nuit, je ne contrôle plus rien côté corps et tout mon ventre se bloque (intestin / foie / vésicule biliaire). Pour la première fois de ma vie, j’ai la sensation d’avoir totalement perdu la maîtrise de ce qui se passe, de ce qui me traverse. 

Je n’ai pas pour habitude de me “laisser aller” pourtant je ne sais plus dans quel sens partir pour aller mieux, et j’ai beaucoup de mal à utiliser mes neurones pour analyser la situation.

Mi-septembre, j’annonce à Andrea en m’effondrant que je veux tout arrêter et prendre 6 mois OFF. Notre agenda d’événements et de fugues m’angoisse au possible car j’ai l’impression d’être dans ma propre prison (on planifie tout très en avance). 

Bien sûr, quand on ne dort plus, on réfléchit mal. 

Je tente quand même des mesures pour essayer d’aller mieux et de me créer de l’espace, cet espace vital dont je sens avoir profondément besoin. 

  • Je prends tous mes vendredi OFF (je m’y tiendrai sans problème). 
  • Je vais moins au bureau et j’essaie de m’isoler dans ma chambre pour avoir un espace à moi où personne ne vient m’embêter. J’ai le sentiment qu’on ne me fiche jamais la paix chez moi et cela me rend très nerveuse au quotidien.
  • Je travaille à mi-temps et je délègue beaucoup de choses que je n’ai plus envie de faire à Emilie.
  • On décale un gros projet de 6 mois pour mieux respirer.
  • Je me mets à réécrire un peu alors que j’ai complètement perdu confiance en moi après un projet qui n’a pas abouti.
  • Je me mets à la chorale en me raccrochant à la musique que j’ai beaucoup pratiqué enfant.

La situation n’empire pas, mais j’ai l’impression d’avoir à peine colmaté la brèche. 

Emilie me trouve une masseuse shiatsu à 300 mètres du bureau et là quelque chose se joue. Maria s’active sur la zone du ventre liée aux émotions, et sur mes épaules crispées liées au poids des responsabilités que je m’inflige. J’enchaîne les séances et les énergies circulent mieux : je me sens allégée d’un nuage noir qui pesait au dessus de ma tête. Maria me sauvera littéralement pour assurer les 3 fugues que nous avons eu en octobre, novembre, décembre. J’avais TRÈS peur d’y retourner. J’avais peur de ne pas avoir la force de bien faire, de ne pas être à la hauteur de la confiance des femmes. 

Et puis non en fait. À la seconde où les fugues démarrent, je suis tellement alignée, tellement à ma place, que l’exercice me redonne de l’énergie. Pourtant je ne joue pas la façade parfaite. Quand on me demande comment ça va, je n’hésite pas à dire que ce n’est pas la panacée en ce moment. 

il s’ensuit 2 réflexions qui se développent doucement à l’automne : 

1 – Un vrai problème avec la notion de JOIE. Une joie de vivre qui est le fil rouge de toute notre communication, et qu’il est schizophrénique d’incarner quand ça ne va pas. En regardant en arrière, j’avais le droit de “me retirer” du jeu des réseaux sociaux, ou de disparaître un certain temps derrière des images de cappuccino et de Val d’Orcia. Je ne referai pas l’erreur la prochaine fois car je peux m’autoriser à développer un espace centré sur moi pour comprendre ce qui me traverse (je vous aime hein, mais je crois que là, la priorité c’est moi). 

2 – L’acceptation d’un rôle que j’endosse malgré moi, celui de THÉRAPEUTE, celui de quelqu’un dans un métier de soin, au service de l’autre. J’ai beau démarrer chaque fugue depuis pratiquement 5 ans avec le même message 

je ne suis ni psy ni coach les copines”, 

la posture que j’ai en fugue (et dans la vie en général vis à vis de mes ami(e)s) me met naturellement dans la peau d’un thérapeute, en position d’écoute sensible et d’accompagnement de réflexion, même si je ne souhaite pas donner mon avis directement (ça j’évite toujours au maximum). Avec cela, vient un sens des responsabilités immense me concernant, une hypersensibilité et hyper-empathie, un problème de traitement des infos qui m’arrivent de la part de chaque fugueuse ou ami(e), car je n’ai pas les outils pour mettre ces informations à une “juste place” et prendre le recul nécessaire pour continuer malgré tout ma vie à moi (ce que je saurai faire mieux je pense, si j’étais psy / coach MAIS je n’ai aucune envie d’être l’un ou l’autre et de m’acheter une légitimité). 

Secouez tout cela bien fort au shaker, et vous obtiendrez un joli burn-out. 

Un trop plein d’émotions, les miennes, celles des autres.

Des secrets qui alourdissent mon coeur et m’ont rendue infiniment triste.

Ne pas accepter la tristesse et être perdue dans un concept de joie qui sonne creux.

Se sentir en imposture partout, tout le temps.

Une perte de repère total car pour une fois, c’est moi qui vais mal.

Un corps qui ne me porte plus pour avancer dans la vie.

Une culpabilité d’aller mal quand le monde va TRÈS mal.

Ne plus savoir se réjouir pour les autres, se comparer et se sentir nulle (merci les réseaux sociaux).

Plusieurs petites secousses vont s’enchaîner pour remonter la pente. 

Emilie (décidément, encore elle, n’est-elle pas formidable?) qui me suggère avec délicatesse de peut-être partir en fugue vu que ça fait plus d’un an et demi que je ne suis pas partie en solo et que c’est mon métier et que je saoule tout le monde avec le concept ?  Elle profite d’un trajet en voiture à mes côtés pour creuser et m’envoyer 10 options de fugue dans des centres bien-être et retraites. Je vais finir par choisir une fugue mi-décembre dans un lieu qui me fait rêver depuis des années et, pour la première fois, avec quelqu’un qui va me guider pendant 5 jours. Je suis curieuse et en demande d’avoir une personne qui me drive et embarque ma réflexion, plutôt que d’être le moteur de ma propre fugue.

J’ai par contre 2 mois à tenir avant de partir et me sens, encore une fois, prisonnière d’un calendrier qui m’empêche d’aller mieux plus vite (ça m’apprendra à ne pas anticiper mes besoins et booker mes fugues très à l’avance). En même temps, il ne tenait qu’à moi d’annuler mon voyage à Paris plutôt que d’y aller dans un état minable début novembre. 

(Un article à part à venir sur cette fugue extraordinaire)

Je me jette aussi sur une formation en ligne pour mieux gérer l’anxiété pensant que c’est ça le problème. BILAN ? Je ne me serai pas connectée 1 SEULE FOIS à la plateforme (le format en ligne + les horaires, rien ne me convient). Mais Stéphanie la fondatrice m’envoie un email pour savoir comme je vais. Je fonds en larme et hoquette pendant 30 minutes à la lecture de son message =>  ça c’est un petit déclencheur qui me fait comprendre que j’ai besoin de sentir ces mains tendues vers moi, que je ne peux pas garder tout ce que j’ai, que j’ai besoin des autres. Je m’effondre dans les bras de mes amies à Florence. Sentir ma fragilité à leur côté me fait du bien car je crée un petit espace d’expression qui n’a rien de parfait, mais qui est “moi”. 

Je vois mes proches qui s’inquiètent. Ma soeur, Andrea, ma mère. Moi qui porte un sourire en bandoulière et refuse catégoriquement d’être un poids pour les autres, je n’ai plus la force de faire semblant. Accepter que je vais mal passe par le fait d’avoir des conversations sur le sujet où je n’essaie pas de cacher la misère.

Je lis “S’adapter” de Claire Dupont Monod dans lequel le personnage de la sœur fait des listes tout le temps pour se sortir d’une certaine situation, avec cette idée du “un pas devant l’autre”. J’adopte immédiatement la technique et fais une liste de ce qui me fait me sentir bien, même si le sentiment est fugace. On peut y lire des choses très simples comme : 

  • Mon sommeil
  • Marcher / Bouger
  • Dessiner / Colorier
  • Chanter / Faire de la flûte
  • Cuisiner pour moi
  • Mood au réveil / Mood au coucher

Et puis, très doucement, à partir de la mi-novembre, ça a commencé à aller mieux. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai ADORÉ la météo de novembre. Tout ce qui déprimait les gens autour de moi m’a fait du bien. La brume et les paysages changeant chez moi, le froid et l’humidité lors de balade. Je me suis remise à cuisiner pour moi alors que je n’avais pas ouvert un livre de Gwyneth Paltrow depuis des mois (scandale), les sautes d’humeur se sont tranquillisées (je n’ai pris QUE des médicaments naturels, rien de chimique mais je n’aurais pas hésité si la situation ne s’était pas améliorée), les larmes ont cessé de couler. J’ai vu mon amie Ilaria di Donato qui a un centre de bien-être holistique formidable (Relax Firenze) et j’ai pu parler de ma douleur. Je me suis sentie moins vide, animée par toutes les petites choses de ma liste que je redescendais presque tous les jours pour me rassurer.

J’ai fini par couper les réseaux sociaux 24h suite à un post de Louise de Maison Louno et j’ai vu tout de suite les bénéfices. 

Doucement, des besoins et envies se redéfinissent :

Apprendre à vivre mieux.

Créer un cadre quotidien calme, apaisant.

Me centrer sur le PRÉSENT uniquement.

Me mettre beaucoup moins la pression.

Trouver de l’ESPACE. Mais où ?

La suite de ce texte sera celui dédié à ma fugue au Lac d’Orta, il sera disponible mercredi prochain.

Je vous embrasse,

Alice

 

Crédit photo : Oliver Morris – Flickr

Par Ali

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