Interview

INTERVIEW, Marquise Vittoria Gondi

Rencontrer la famille Gondi, c’est sauter à pieds joints dans l’histoire de Florence. Alors que des premiers écrits remontant à 1197 font déjà figurer leur nom dans des documents officiels, c’est surtout leurs passionnantes relations avec les Medicis et les artistes de l’époque – Da Vinci pour ne citer que lui – qui créent un passionnant récit. Une branche de la famille Gondi a même écrit une partie de l’histoire de France… Compte-rendu de ma rencontre avec la Marchesa Vittoria Gondi un lundi matin au Palazzo Gondi, « entre Pouvoir et Justice » pour reprendre la formule de Laurent de Médicis (le palais est coincé entre le Palazzo Vecchio siège de l’administration Médicis et l’ancien palais de justice du Bargello).

 

Bonjour et merci de me recevoir ! Je suis très impressionnée et émue de rencontrer une des plus anciennes familles de Florence.

dante-alighieri-divina-commediaL’histoire de notre famille remonte en effet à l’époque médiévale ! Charlemagne lui même avait nommé chevalier quelques illustres hommes de la famille. Pour entrer dans le détail, les Gondi descendent des Filippi et nous sommes cités dans la Divina Commedia de Dante. À cette époque, les noms de famille n’existaient pas encore et l’on portait le nom de sa confrérie. Un des membres de la famille (Gondo Filippi) a choisi Gondi et l’histoire a démarré comme ça.

 

Racontez-nous comment les Gondi ont pris une place si importante à Florence.

Nous étions avant tout des commerçants. Nous vendions de la laine, de la soie, des fils d’or. Puis nous sommes passés à la frappe de la monnaie et naturellement nous nous sommes tournés vers une carrière de banquier avec des structures dans toute l’Europe. Il faut savoir que les plus importantes familles de Florence ont toute eu un passé de commerçant, la noblesse était rarement de sang mais de pouvoir acquis avec le travail. Cette fibre entrepreneuriale ne nous a d’ailleurs jamais quitté.

 

Pourriez-vous nous citer quelques personnages qui ont marqué l’histoire des Gondi ?

Giuliano Gondi a joué un rôle vraiment clé à l’époque de Laurent de Médicis. La Congiura dei Pazzi (la famille Pazzi attaqua l’autorité des Medicis et Julien de Medicis, le frère de Laurent mourra dans l’agression) commanditée par le roi de Naples et le pape lui-même voyait le Duc D’Urbino impliqué dans l’affaire. Giuliano était alors secrétaire du Duc et il se transforma en médiateur de la paix pour calmer la situation entre le roi, le pape et Laurent de Medicis. Giuliano y gagna au passage trois palais ! Antonio Gondi fut un autre personnage important qui a favorisé la création de racines en France.

Une propension à la diplomatie qui servira la famille tout au long de son histoire.

Les Gondi étaient donc commerçant, banquier et un peu diplomate…

Oui, cette propension à la diplomatie servira la famille tout au long de son histoire. À Florence et en Toscane, nous avons eu des postes d’administrateurs sur tout le territoire, mais nous avons toujours maintenu une relation étroite avec le pouvoir en place, à savoir les Médicis. Par exemple le cardinal Pietro Gondi a suivi toute la construction des chapelles Médicis avec Michelangelo, une façon d’être impliqué dans les projets importants de la famille qui dirigeait Florence.chapelle-medicis

 

C’est ça que je trouve fascinant, votre histoire a croisé celles des hommes politiques et d’art dont le monde moderne parle encore. Un formidable héritage et témoignage à transmettre !

Il y a en effet beaucoup d’anecdotes qui mentionnent des personnages illustres de l’histoire. Par exemple, le Moine Savonarole avait les faveurs de la moitié de la famille. Du coup, durant la nuit du buché des vanités (le moine et ses disciples brulèrent des milliers d’objets qualifiés de profane dont des œuvres d’art à la valeur inestimable), tous les Gondi n’ont pas cédé aux pressions du moine. Comme nous avions les clés de la sacristie de l’église de San Lorenzo, de nombreux objets y ont été cachés !

Leonardo da Vinci et son père ont été locataires dans un des palais de la famille.

Il y a également le fait que Leonardo da Vinci et son père ont été locataires dans un des palais de la famille. Le jeune Leonardo a esquissé son premier dessin de pendu depuis la fenêtre du palazzo. L’Annonciation de Leonardo qui est au Musée des Offices (et considéré comme un de ses plus importants tableaux), est également passé par la famille.

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Attardons-nous sur Antonio Gondi. Comme a-t-il démarré sa formidable ascension en France ?

Le maillage des banques Gondi couvrait toute l’Europe (et même Constantinople) et Antonio était le chef de la structure de Lyon en France. Il avait épousé une Française et était relié à la famille Medicis par un degré de parentèle (Maddalena Gondi était consuocera de Lorenzo di Medicis). Il fut ainsi introduit à la cour de France par sa cousine et gagna la confiance de Catherine de Medicis. Cette dernière était vraiment un point de rencontre entre la culture italienne et française et elle vit en Antonio un allié.

C’est ainsi qu’l participa activement à divers projets qui tenaient beaucoup à cœur à la reine (Les Tuileries par exemple, l’aménagement de jardin à l’italienne). En épousant une française et en ayant passé autant de temps en France, il avait l’avantage de ne pas être vu comme un « étranger », mais comme un membre actif à la cour du roi de France. Une position stratégique pour toute la famille…

Antonio Gondi n’était pas vu comme un étranger à la cour de France.

Alors que notre rôle en Toscane était plutôt administratif, en France il a toujours été très politique et nous avons été extrêmement proches de cinq roi de France et de deux reines italiennes, Catherine comme Marie de Medicis. La plupart des Gondi en France ont épousé des françaises et cela a vraiment aidé à l’intégration et à la création d’une branche « légitime » de la famille sur le territoire.

 

Où peut-on admirer aujourd’hui les trésors des Gondi ?

Il y a notre chapelle à Santa Maria Novella à Florence dans laquelle a d’ailleurs été posée la première brique de la construction de l’église et où repose le christ sculpté de Brunelleschi, une pure merveille. Il y a le Palazzo Gondi à côté du Palazzo Vecchio (où se trouvent nos bureaux, une maison d’époque et une partie dédiée à la location pour des événements) et des fermes agricoles en Toscane (Bossi et Volmiano) qui produisent du vin et de l’huile d’olive.

Et à Paris bien sûr, il y a notre tombeau à Notre Dame de Paris où sont enterrés les fils d’Antonio Gondi (l’un ayant fait une carrière militaire, l’autre était archevêque de Paris). À une époque, Alberto Gondi était propriétaire d’une partie de Versailles et Girolamo de Saint-Cloud… c’est pour dire l’importance de la famille.

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Le développement des fermes agricoles est-il récent ?

Non pas du tout ! Au 17ème siècle, quand les grandes banques familiales ont fait faillite (Gondi et d’autres familles Florentines comme les Frescobaldi), la noblesse s’est tournée vers ses propriétés agricoles pour les faire prospérer et créer des revenus.  À la Tenuta Volmiano nous nous concentrons sur l’huile d’olive en partant des principes de fabrication à l’ancienne et en les revisitant. À la Tenuta Bossi, nous produisons du vin.

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Pour vous, être noble aujourd’hui, qu’est-ce que cela signifie ?

Être noble aujourd’hui c’est beaucoup de travail et de responsabilité. Nous avons une histoire à transmettre, un patrimoine à préserver.

Beaucoup de travail et surtout de responsabilité. Nous avons un héritage à maintenir, une histoire à transmettre. C’est très difficile de trouver par exemple des personnes qui partagent notre vision forcément très personnelle et affective du travail. Nous sommes très heureux de travailler en famille avec nos deux fils qui s’occupent activement des fermes agricoles.

Grazie mille !

Informations et contact sur le site de la famille ICI

 

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Par Ali

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